Le premier plan représente l’arrivée des navires à Oran (espagnole jusqu’en 1792) et le second plan, le campement morisque attaqué par les tribus berbères autochtones. La description correspond à celle que fait Damián Fonseca dans le chapitre XII et XIII de sa Justa expulsión de los moriscos de España (1611) et au chant VIII du livre de Gaspar de Aguilar.
Mikel de Epalza considère que ce tableau prétend montrer combien le châtiment divin était mérité car ils furent massacrés par leurs propres coreligionnaires. Il y a une sorte de moral de l’histoire, les musulmans étaient foncièrement mauvais et méritaient ce qui leur arrivait.
(Oran au 17ème siècle) |
Le centre du tableau, la zone de tente avec la demi-lune, représente des scènes de massacre des Morisques par les autochtones. Il y aurait, toujours d’après Epalza, quelques erreurs dans la représentation des lieux pour des raisons stratégiques et de propagande ; il fallait ici insister sur le massacre. Normalement, à l’emplacement de la plage, il y avait une falaise. La plage se trouvait à l’ouest, entre la forteresse qui apparaît au premier plan et la forteresse de Mazalquivir, qui ne figure pas dans le tableau. Les autorités espagnoles cherchèrent un endroit propice pour débarquer ces milliers de personne, loin des ports militaires musulmans (Alger, Cherchell, Tétouan) ; le lieu choisi permettait de protéger la flotte.
(Oran en 1757) |
Les Morisques ne furent pas accueillis par les autorités espagnoles d’Oran, et l’accueil par les autorités musulmanes ne fut pas préparé (n’oublions pas qu’ils étaient ennemis), ce qui expliquerait l’agressivité des populations locales, pauvres, qui subissaient une dure sécheresse et qui considérèrent ces Morisques comme des envahisseurs. Ces populations furent durement réprimées par les autorités marocaines et d’Alger, qui envoyèrent des troupes.
Aucune structure d’accueil n’avait été prévue. Cette première vague d’expulsions qui avait très bien été organisée pour le territoire espagnol fut un véritable échec en Afrique du Nord ; pour Epalza, ce fut un travail bâclé, qui s’acheva dans un véritable carnage. Les rescapés furent conduits vers les villes où ils s’installèrent sans problème. L’accueil agressif mit des mois à être corrigé.
(Les quais d'Oran vers 1880) |
Terrible sort que celui de cette minorité arrachée de sa terre natale, dépouillée de ses biens en Espagne, pendant le trajet en mer et à l’arrivée. Considérés comme des musulmans en Espagne, accueillis comme des envahisseurs en terre d’islam, ils finirent, après une période de réislamisation, par s’intégrer à leur nouvelle société d’accueil.
L’échec de cette première expulsion conduisit les autorités espagnoles à chercher d’autres voies. Après les Morisques de Valence, ce fut le tour des Andalous, des Castillans et des Murciens visés par le décret du 12 janvier 1610 et des Aragonais visés par le décret du 29 mai 1610. En tout, environ 300000 Morisques abandonnèrent l’Espagne. Certains, quelque 50000, passèrent par la France, d’autres s’installèrent en Turquie.
Le destin tragique des Morisques ne s’arrêta pas là ; une nouvelle vie les attendait ailleurs, mais le prix à payer fut élevé. La plupart d’entre eux échoua au Maghreb où, après une phase difficile de réislamisation, ils finirent par s’intégrer à leurs nouvelles patries : Tunisie, Maroc, Algérie, Turquie, dans l’armée, l’artisanat, l’agriculture et le commerce. Il y eut aussi des retours en Espagne, et même des Morisques qui réussirent à braver l’interdiction de rester en Espagne, bénéficiant souvent de la complicité de leurs compatriotes vieux-chrétiens.
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