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14 avril 2012

Ce que les morisques ont apporté à l’Algérie



Des tisserands, des fabricants de babouches, des maçons et des charpentiers… Les morisques ont beaucoup apporté à l’Algérie des XVIe et XVIIe siècles. Une journée d’étude à Tlemcen nous a fait voyager dans le temps.

Au XVIIe siècle, les morisques et les juifs dominaient le commerce extérieur à Alger. Les morisques musulmans, qui avaient fui les conversions forcées au christianisme par les rois catholiques après l’effondrement de la dynastie andalouse, avaient grandement contribué à la construction des villes au Maghreb, particulièrement en Algérie. Les rois catholiques n’avaient pas respecté l’accord signé en 1492 avec le dernier souverain de Grenade, Abou Abdallah. Ces rois recevaient «la bénédiction» de l’archevêque de Tolède, Francisco Jiminez De Cisneros. L’architecte Samia Chergui, directrice de la nouvelle Ecole nationale du patrimoine, est revenue en détail sur l’apport des morisques dans des villes comme Alger, Ténès, Cherchell et Blida.
Elle a présenté, mercredi au Musée de l’art et d’histoire de Tlemcen, une communication sur cette question encore peu connue, à la faveur des journées d’étude «Confluences historiques entre Al Andalus et les royaumes maghrébins de l’Algérie», organisées par le département Expositions de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique». «Les morisques avaient eu un effet positif sur l’essor urbain de plusieurs villes. Ils avaient fondé Koléa et doté Alger de structures hydrauliques impressionnantes. A partir de 1519, les morisques participaient avec les Ottomans à bâtir des stratégies militaires pour défendre Alger des attaques maritimes», a souligné Samia Chergui. Selon elle, plus de 25 000 morisques étaient établis à Alger au début du XVIIe siècle.
Ils avaient souffert au début faute d’emplois en raison, entre autres, de l’arrivée de captifs chrétiens. «Vers 1571, les morisques étaient assimilés aux beldis, citadins de souche, Algérois. Ils avaient pu accéder à des fonctions importantes grâce à leur statut de lettrés. Ils avaient été chargés de gérer les biens habous», a indiqué la conférencière. Le quartier Tagarins d’Alger doit son nom aux «Tagarinos», une population venue d’Espagne s’installer dans cette partie ouest de la ville blanche.

Un passé commun


D’après Samia Chergui, un sixième des maisons d’Alger était occupé par les morisques. Parmi eux, il y avait des charpentiers et des maçons qui allaient prendre part à l’effort d’édification. «Ils intervenaient comme des maîtres maçons. On peut retrouver cela dans les cahiers de chantiers de l’époque. Les morisques dominaient le métier de tisserand. Ils excellaient dans la couture de soie. Ils étaient fabricants de babouches et des parfumeurs aussi. A partir du XVIIIe siècle, l’intégration des morisques était presque définitive. Il y avait une communauté qui s’appelait “jamaât el andalous“, qui était une institution habous», a encore relevé Samia Chergui.

Le jeune consul général d’Espagne, José Manuel Rodriguez, a, dans une brève intervention, souligné l’attachement de l’Espagne à son passé musulman : «Cette sensibilité n’existe pas en dehors du monde arabo-musulman. Ce passé commun, cet héritage commun, nous en sommes très fiers. Cette histoire commune est un acquis. Il faut aller plus loin.» Il a plaidé pour le renforcement des relations bilatérales dans tous les domaines. «Et l’échange culturel, du fait de notre passé commun, est la pierre angulaire de notre relation.
L’échange culturel dépasse en importance l’échange politique et économique», a ajouté le diplomate. Il a estimé que les projets tels que celui des journées d’étude de Tlemcen, marquées par une présence d’universitaires et d’experts espagnols, doivent être encouragés dans le futur. «Cela va créer un tissu d’échanges qui ne sera pas détruit.» Fouad Ghomari, de l’université de Tlemcen, a appelé, de son côté, à multiplier les échanges académiques entre l’Algérie et l’Espagne : «Nous sommes prêts à accueillir des universitaires espagnols pour assurer des cours, notamment à la faculté d’architecture. Nous pensons aussi à lancer des chantiers écoles communs.» D’après lui, il y a encore beaucoup de choses à découvrir à la cité mérénide d’El Mansourah de Tlemcen.

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