Cela fait des lustres qu’on n’a pas vu Menâa parée de la sorte. Pas une
maison, pas un balcon, pas une terrasse sans un tapis chaoui bariolé aux
couleurs vives bien auressiennes. La meilleure manière pour annoncer le
printemps est célébrée au pluriel (thifsouine) à Menâa et toute sa région.
Thifsouine est une tradition ancestrale fêtée, à la fin du mois de février (le
28 février est considéré comme le dernier jour de l’hiver) début mars, et qui
annonce le printemps, donc le début de la belle saison.
Relancée il y a une
dizaine d’années par l’association culturelle amazighe Tasrifth, la fête
Thifsouine est connue dans la région depuis des millénaires. Les anciens du
village racontent que, dans toute la vallée, les hommes et les femmes sans
exclusive prenaient part ensemble à la préparation de cette cérémonie. Les
habitants des villages et hameaux accrochent ou déploient le plus beau tapis
(ahouli) que la famille possède, mais c’est aussi la saison qui annonce qu’il
va falloir réinstaller le métier à tisser et se remettre au travail, pour
initier les petites aux techniques du tissage.
Menâa, où se côtoient palmiers
dattiers et abricotiers, reçoit un printemps précoce, nous disent les
villageois. Ce premier jour, les femmes, mais surtout les jeunes filles montent
à la forêt pour ramener les herbes de saison dont elles ont besoin chez elles.
À leur retour, des hommes les attendent à un endroit précis nommé Ifriane. Ils
feront le chemin ensemble jusqu’au village où les attendent les habitants sous
les chants et les youyous. Irahaben, la troupe de chant accompagnée souvent par
des baroudeurs, auront pour mission d’annoncer en chantant que l’hiver est
terminé et que Thafsouth (le printemps) s’annonce par son parfum, ses couleurs
et son climat clément. Une partie de jeu, Hakourth, est organisée. Les hommes
et femmes se donnent la réplique avant de rejoindre l’ancien village, Hakliâth,
où tous les habitants sont invités à déguster une spécialité maison,
Hachekhchoukth noughroum : une sorte de chekhchoukha à base de galette.
Thasfouth est donc un autre legs millénaire sauvé in extremis de l’oubli, grâce
à des jeunes. Les militants du mouvement associatif ne crient point victoire,
bien au contraire. Ils disent vouloir passer à une autre étape de leur
programme et démarche. À ce propos, Hamid Aksa, militant infatigable et
chanteur engagé, nous dit : “Je suis à la fois satisfait et triste. Content que
Thifsouine renaisse de ses cendres, car c’est notre culture et patrimoine, mais
triste de voir que certains responsables qu’on a toujours voulu sensibiliser et
interpeller ont toujours refusé de nous écouter, ils cherchent aujourd’hui à
s’approprier ce qui ne leur appartient pas, mais ça n’a pas une grande
importance. Le plus important maintenant est de voir comment sauver le patrimoine
architectural.Tout un village menace ruine si rien n’est fait d’urgence.
J’interpelle les autorités.”
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