Nedroma ou Nadroma est une commune de la wilaya de Tlemcen en Algérie, située à proximité de la frontière marocaine, à environ 58 km au nord-ouest de Tlemcen. Nedroma est située à 650 m d’altitude, elle s’étale sur le versant nord du mont Fillaoucène dans le massif des Trara, l’un des chainons de l’Atlas Tellien dans sa terminaison occidentale extrême.
La ville a bien gardé son allure médiévale de cité d’Islam occidental avec au centre ouest, dominant de haut les maisons d’alentour, le minaret de la grande Mosquée. Une petite place « tarbia ou rectangle » autour de laquelle s’ouvrent un vieux bain maure, annexe de la mosquée, et les souks, dont les rues étroites aboutissent là - donne un peu d’air à cet édifice religieux et à ce quartier central qui a pris, lui aussi, le nom de la tarbia : « quartier de la tarbia ». D’autres mosquées plus petites et d’autres oratoires se trouvent dans les divers quartiers de la ville ; mais on ne les distingue guère des autres maisons, parce qu’elles n’ont pas de minaret ou seulement un minaret peu élevé, dominant à peine la mosquée. La principale de ces mosquées de quartier est le Djamâa Al Qaddarin, « la Mosquée des Potiers » qui serait selon les habitants, la plus ancienne Mosquée de Nédroma.
Le Djamâa Al Qaddarin est un oratoire, avec la Grande Mosquée où se fait la khotba du Vendredi ; elle se trouve dans le quartier des Béni Zid, au sud-est de la ville. Dans le quartier de Ras-ejjmâa, au sud-ouest, sont les oratoires de Sidi Bou Ali et de Lalla Alya ; ceux de Djamâa Al Haddadin, « Mosquée des forgerons », Djamâa Arraiya, Djamâa Sidi Syad, sont dans le quartier de Derbe essoq, qui se trouve au nord de la Grande Mosquée et de la ville.
La proche région de Nédroma a été habitée à l’époque néolithique, ce dont témoigne la découverte en 1875 par G. Bleicher de haches polies dans les grottes de Boudghène. Neroma est bâtie sur le revers de djebel Filaoussene par le fondateur de la dynastie almohade Abdelmoumen Ben Ali en 1150 sur les ruines d’une cité berbère. Les princes héritiers de la dynastie zianide résidaient à Nedroma. Elle était un objet de conflit entre zianides et mérinides. La ville changeait d'alliance au gré de ses intérêts.
Nedroma a accueilli de nombreux immigrants andalous chassés par la reconquista. Elle était un important centre de textile au xvie siècle .Aucune garnison ottomane n'était installée à Nedroma, l'autorité centrale se limitait à la récolte de l'impôt.
L'influence andalouse commença au xiie siècle, lorsque la Reconquête de la péninsule Ibérique débuta et la puissance almohade commença à décliner, suite à labataille de Las Navas de Tolosa. La Reconquête achevée en 1492 par Isabelle la Catholique, fit refluer les Andalous sur l'Afrique du Nord, lesquels sont à l'origine de ces communautés andalouses, ainsi que leur savoir, art musical et poétique. Parmi eux, certains ont gardé les clés de leurs maisons abandonnées en Al-Andalus. Nedroma eut divers échanges avec l'Espagne musulmane et lui apporta aide militaire contre la Reconquista Chrétienne au travers des armées Almohades.
L'influence andalouse est aussi due à la deuxième vague de réfugiés Morisques venus d'Espagne, suite au décret d'expulsion des Morisques promulgué le 22 septembre 1609. Elle est parmi les rares cités qui ont su garder l'héritage andalous, comme en atteste cette chronique de Guillermo Rittwagen, philologue hispano-arabe et célèbre critique Espagnol du début du xxe siècle:
« En el camino de Nemours a Marnia, a los mismos pies de los montes Filhausen, se levanta la ciudad desde donde envío estas líneas y que, no obstante ser argelina, conserva como ninguna su carácter morisco y es la verdadera metrópoli de los árabes andaluces expulsados de España. Había leído que muchas familias de Nedroma conservan aún las antiquísimas llaves de las casas y los títulos de las propiedades de sus antepasados en España, y que conservan porque tienen la esperanza de volver…Aquí he visto una llave antigua de la morada que los antepasados de la familia Hamed Belhad, de Córdoba, tuvieron cerca de Oued-El-Kevir [Guadalquivir). También he visto escrituras de adules [notarios árabes, y hasta descripciones minuciosas de terrenos donde los avariciosos moros habían guardado sus tesoros. Si, como es de creer, son auténticos todos estos documentos… »
— Guillermo Rittwagen, Article « Los árabes andaluces », chronique du 15 de mars 1905, parue dans El Español
. Traduction en français: « Sur le chemin de Nemours à Maghnia, aux pieds mêmes du mont Fillaoucène, se lève la cité d'où j'envoie ces lignes, et qui bien qu'elle soit algérienne, conserve son caractère morisque comme aucune et est la vraie métropole des Arabes andalous expulsés d'Espagne. J'avais lu que beaucoup de familles de Nedroma conservent encore les très anciennes clefs et les titres des propriétés de leurs ancêtres en Espagne, et qu'elles les conservent parce qu'elles ont l'espérance d'y retourner… Ici j'ai vu une clef ancienne de la maison que les aïeuls de la famille Hamed Belhad, de Cordoue, ont eue près de Oued-El-Kebir Guadalquivir. J'ai aussi vu des écritures de cadis [des notaires arabes, et jusqu'aux descriptions minutieuses de terrains où les morisques avaricieux avaient gardé leurs trésors. Si, comment ne pas croire, que tous ces documents sont authentiques… »
D'après Gilbet Grandguillaume:
" Les merveilleuses médina du Maghreb, tout éclatantes de blancheur au soleil méditerranéen, étaient-elles simplement des reines de beauté, douées du pouvoir magique de rendre leur fils les plus intelligents, leurs filles les plus ravissantes, leurs vieillards les plus sages, et leurs murailles invulnérables aux assauts du temps. Leur secret n’était-il pas surtout qu’elles avaient reçu le pouvoir d’écrire et de nommer, de décider qui est noble, qui est pieux, qui est savant, et de voir ce pouvoir reconnu de tous ? Nédroma fut l’une d’entre elles et elle en conserva longtemps la marque dans son architecture, son langage, sa musique, ses traditions. Mais la dispersion de ses fils en Algérie et de par le monde montre qu’elle sut aller de l’avant. En 2002, il est frappant de constater combien l’Algérie nouvelle aurait gagné à s’inspirer de ce modèle. Ses enfants fréquentaient l’école française, mais ils allaient aussi apprendre l’arabe à la mosquée. Ainsi enracinés dans une solide tradition, ils n’eurent aucun complexe à prendre leur place dans un univers différent. Assez sûrs d’eux-mêmes pour échanger, assez rassurés sur leur personnalité pour la confronter à d’autres. Propulsée hors de ses enceintes, la vieille médina déteindrait-elle encore aujourd’hui le secret d’une identité algérienne "
L’origine du nom donné de la ville vient de l’étymologie Ned-Roma : semblable à Rome évoquée par Léon l’Africain. Selon une autre étymolohie, le nom viendrait de «Nadrou el ma» de l’arabe dialectale "نضروا الما " signifiant "regardez l'eau. Nédroma fut d’abord le nom d’une tribu, fraction de la famille de Koumya, de la souche des Béni Fâten. Au xiie siècle le géographe Al Bakri donne une brève description de la ville de Nédroma, il l’a qualifie de « madina » (ville) et non de simple « Qarya » (village). Au temps d’Al Idrissi, au xiie siècle, Nédroma est une ville florissante, entourée de murailles et son marché est important.
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